Cinq styles différents, cinq visions du monde, cinq conceptions de ce qu’est une équipe et/ou une personne candidat-e. Telles sont les cinq principales affiches des cinq partis prétendant maintenir ou gagner des sièges au Conseil communal. Analysons-les quatre semaines avant ces passionnantes élections.
Le PLR

Comme les Vert’libéraux, le parti libéral-radical a choisi de photographier les quatre candidat-e-s in situ, en l’occurence derrière le parking de la gare, côté parc des Crêtets. Le bleu, symbole positif, est présent dans les couleurs graphiques, le ciel et les vêtements.
C’est moins ici l’impression d’ensemble et l’esprit d’équipe qui priment que les quatre personnes aux individualités bien différente. La jeune femme, sans expérience d’élue et la plus jeune, a été reléguée à droite, avec pourtant la même pose, les bras croisés, que le candidat le plus âgé à gauche. Elle est d’ailleurs à l’écart, puisqu’un grand espace la sépare du candidat à côté d’elle. Serait-elle subliminalement l’outsider, la surprise possible face à ces trois hommes ?
Ceux-ci posent de façon totalement différente : le deuxième, le moins typé, le plus neutre, en quelque sorte le plus doux, est entouré par les deux frères ennemis qui se sont alliés pour faire chuter la tante par alliance du deuxième.
Xavier Huther, qui en 2008 a raté de quatre petits suffrages la troisième place (ce qui lui aurait permis de passer devant le malheureux Pierre-André Monnard) pose en « penseur », se demandant où il finira cette fois. Son concurrent et favori, Jean-Daniel Jeanneret, se distingue triplement de ses trois autres collègues (on évitera le mot « camarades »).
D’abord par la couleur bleue plus affirmée de son veston, rendant les trois autres plus pâles. Ensuite par l’exhibition de son accessoire fétiche, une des ses écharpes blanches en coton, qui lui donne l’image d’un baroudeur, d’un franc-tireur fier de son apparence. Enfin par ses bras fermement croisés et son regard, prêts à en découdre, à relever les défis, à affirmer sa toute-puissance. L’homme n’est pas connu pour sa modestie et l’affiche du PLR le confirme.
Jidé imperator urbis, tel est le réveil qu’il propose à ses concitoyens après seize ans de déboires exécutifs du PLR (2004-2006 + 2008-2015 : Michel Barben + Pierre-André Monnard, dégommés par leur propre parti; 2015-2020 : Sylvia Morel, battue le 11 mars lors de l’assemblée générale du PLR.
Jeanneret le radical et Huther le libéral, le taillage des crayons a commencé dans les officines et Crystel Graf, qui sait (?), pourrait en profiter !
Le POP

Le parti ouvrier populaire propose l’affiche la plus percutante et la plus originale de la campagne : l’ensemble des candidat-e-s cantonaux dans un seul plan ! Sept rangées d’hommes et de femmes, anonymes mais chacune et chacun très typé-e-s par des détails de leur habillement de tous les jours. Le POP, à l’inverse du PLR, se veut collectif en ne mettant pas en avant des personnes mais un projet cantonal puisque l’affiche est la même pour toutes le communes.
Tour de force graphique que d’avoir composé une image d’ensemble à partir de portraits individuels typés (notamment le jeune homme à l’étoile rouge placé à l’extrême-droite et le candidat à l’extrême-gauche entouré d’un keffieh, l’écharpe traditionnelle des Palestiniens). Au POP, on affiche les valeurs qu’on défend !
Cependant, un paradoxe se révèle en ces temps de pandémie. Sont rassemblées sans distance sociale un grand nombre de personnes debout comme dans les tribunes d’un stade. Est-ce une manière de conjurer les temps difficiles que nous vivons ?
De même, la réunion, dans un même espace, des Loclois et des Chaux-de-Fonniers laissait imaginer que le POP évoquerait dans son programme les liens avec l’autre ville. Sauf erreur de ma part, dans les nonante pages du programme chaux-de-fonnier, pas une seule fois le nom du Locle ne figure.
LE PS

Le parti socialiste, comme l’écrit Vincent Costet dans ArcInfo, « en attendant les contournements routiers et la liaison ferroviaire directe avec Neuchâtel, [fait] d’une place du Marché piétonne – symbole d’un réaménagement fondamental du centre-ville historique – [son] image de campagne« . L’affiche est plastiquement percutante avec les trois variations sur le rouge (fond grenat, chemisier rose et bas de l’image rouge).
Les cinq candidat-e-s ont posé en studio et forment une belle équipe soudée autour de la conseillère communale Katia Babey. Les vêtements de ville et la pose décontractée et souriante, sans affectation, soulignent le naturel et la proximité souhaités ici.
Pourtant, la place du Marché en filigrane rappelle, en filigrane aussi, que deux de ces cinq personnes ont géré en mai 2018 le dossier de cette place. Ils voulaient en effet déplacer le marché sur la place de la Carmagnole. Dans ce sens, le PS fait ici son mea culpa de manière quelque peu opportuniste puisque le dossier de la piétonnisation de cette place est entièrement porté par le conseiller communal Théo Huguenin-Élie.
Les vert’libéraux

La question qui vient à l’esprit en voyant cette belle nouvelle équipe poser sur les hauteurs du Chapeau-Rablé est : pourquoi diable sont-ils en torsion, le regard droit et le pieds de travers ? La réponse se trouve dans une photo de campagne postée sur les réseaux avant celle-ci.

L’avenir de la ville, que les cinq candidat-e-s surplombaient de manière apparemment interrogative, c’est maintenant, au moment où nous nous tournons vers vous, dans l’espoir que vous nous ferez confiance ! Dans ce sens, cette affiche est celle des cinq qui crée le meilleur lien entre le texte et l’image.
Le portrait en pied laissant voir les chaussures (ce qui est très rare dans une affiche politique), les vêtements de tous les jours choisis sans effet d’ensemble contrairement au PLR, le choix d’un sommet de la ville pour prendre la photo, tout cela laisse passer une forme de nouveauté sans afféterie.
Le paradoxe, pourtant, réside dans l’arrière-plan des crêtes encore vierges d’éoliennes. Les vert’libéraux nous prépareraient à un Crêt-Meuron garni de mâts éoliens qu’ils ne s’y prendraient pas mieux, comme « créateurs d’avenir » !
À propos de cette affiche, le président des Vert’lib de La Chaux-de-Fonds, Pascal Kaufmann, nous a écrit quelques heures après la parution de cet article : « Elle a une histoire, la photo de l’affiche des vert’libéraux ! Ce qui est décrit comme une torsion est en réalité un mouvement, un pas vers l’autre. Regardez les visages, les candidats semblent dire : « Maintenant, on y va, avec vous tous ». Ils le disent avec bonne humeur, ensemble. Cela établit un esprit de groupe et non simplement la pensée unique d’un groupe comme on peut le ressentir sur d’autres affiches. Avec en fond, la Ville et son écrin de verdure, qui représente la vraie responsabilité des candidats y compris les éoliennes d’ailleurs. Pour la (petite) histoire, cette photo a été jugée inexploitable par les responsables de la communication. Ce sont les candidats eux-mêmes qui ont dû batailler pour la garder, tant, on le voit au premier coup d’œil, elle est en adéquation avec le tempérament des futurs élus. Comme la politique qu’ils proposent.
Les Verts

Les Verts ayant décidé de n’utiliser que l’affichage officiel lors de cette campagne, nous avons dû chercher cette curieuse image sur leur page Facebook.
Trois candidat-e-s en noir dans la nuit et deux autres en couleur avec une mini-lumière à l’extrême-droite. Nous avons notre science sémiologique en panne devant cette image dont le sens immédiat nous échappe, même si la tendance montante des Verts se lit dans le texte en couleur montant vers la droite.
Le parti veut-il supprimer l’éclairage public la nuit dans les parcs, incarne-t-il le passage de l’ombre à la lumière, se sent-il sous les feux permanents des projecteurs et des vagues de sympathie, la ville est-elle dans une situation si noire que les Verts vont la sauver en même temps que la Nature ?
Les suggestions sémiologiques des internautes seront les bienvenues dans les commentaires de cet article.
L’UDC

L’Union démocratique du centre ne maintiendra son siège que si un nombre significatif d’électeurs de sa base votent compact une liste… avec un seul candidat.
Le parti, par crainte d’être orienté ou maladroit, semble se méfier des mots puisqu’il n’y a aucun slogan. Le portrait en cadrage serré de son seul candidat, cravaté et rasé de près, est plutôt avenant avec un fond vert et le rouge du canton (ou de la Suisse).
La Chaux-de-Fonds a donc disparu dans ces couleurs, préfigurant le naufrage possible de ce parti qui fut, dans sa violence et son facilisme, l’incarnation d’une tendance dure de 2004 à 2016.
Thierry Brechbühler se veut rassurant, consensuel, lisse et discret. Cette belle image de lui suffira-t-elle ?
Catégories :Le choc des photos
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