Analyses politiques

Hommage aux premières conseillères générales de 1960 à 1975

Le 7 février 1971, il y a cinquante ans, le droit de vote et d’éligibilité était accordé aux femmes suisses. Dans notre ville, les femmes furent élues au Conseil général dès 1960. Cet article leur rend hommage, tout en jetant un regard assez désabusé sur leur poids politique actuel dans notre ville ultra-mecs.

 » La cause du suffrage féminin ne fut pas favorisée par l’essor économique des années 1950, période pendant laquelle on mit l’accent sur la fonction domestique et familiale des femmes face aux changements rapides du monde extérieur, ni par l’attitude politique généralement conservatrice durant la guerre froide. Seul le canton de Bâle-Ville autorisa en 1957 ses trois communes bourgeoises à introduire le suffrage féminin (Riehen fut la première commune à la faire le 26 juin 1958). Lorsque le Conseil fédéral voulut introduire l’obligation pour les femmes de servir dans la protection civile, l’ASSF, la Ligue suisse de femmes catholiques et l’Alliance de sociétés féminines suisses(ASF) refusèrent qu’on imposât aux femmes de nouvelles obligations alors qu’elles ne jouissaient toujours pas de droits politiques. En 1957, comme la controverse publique menaçait le projet de protection civile, le Conseil fédéral présenta un projet de votation sur le suffrage féminin. Avec le soutien des parlementaires opposés à celui-ci, qui voulaient provoquer un refus populaire, dont ils se sentaient assurés, le projet passa la rampe des deux Chambres en 1958. Avant la votation, le PS, l’Alliance des Indépendants (AdI) et le Parti du travail (PdT) recommandèrent le oui. Le Parti radical-démocratique (PRD) et le Parti conservateur chrétien-social laissèrent la liberté de vote, le Parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB) se prononça pour le non. En 1959, l’objet fut rejeté par 654’939 non (66,9%) contre 323’727 oui (33%), avec un taux de participation de 66,7%. Seuls les cantons de Vaud, Genève et Neuchâtel l’acceptèrent. Vaud introduisit alors le suffrage féminin au niveau cantonal et communal. Neuchâtel suivit la même année et Genève en 1960. Le premier canton suisse alémanique à accepter le suffrage féminin au niveau cantonal et communal fut celui de Bâle-Ville en 1966. Bâle-Campagne le fit en 1968, le Tessin en 1969. » (Dictionnaire historique de la Suisse).

Notre ami Marc Perrenoud, grand historien neuchâtelois, nous rappelle que ce long processus débuta en 1919. Les électeurs de La Chaux-de-Fonds favorables au suffrage féminin furent longtemps les moins minoritaires, comme le montre ce tableau statistique.

Égrenons donc les dates clés pour notre ville, en rendant un hommage nécessaire une série de personnalités que nous avons (eu) la chance de connaître.

Marguerite Greub en 1962 et Loyse Renaud-Hunziker en 1972 (archives de L’Impartial)

1er février 1959 : La votation fédérale pour le suffrage féminin recueille 52 % de oui dans notre canton et 64 % dans notre ville (4518 oui – 2510 non).

27 septembre 1959 : Dans la foulée, la votation pour l’introduction du suffrage féminin au niveau cantonal et communal est acceptée encore plus largement à La Chaux-de-Fonds avec 66 %.

15 mai 1960 : Les élections communales voient l’arrivée de deux femmes au Conseil général, la popiste Marguerite Greub et l’élue du parti progressite national (PPN, droite), Madeleine Jacot.

19 juin 1962 : Marguerite (Margot) Greub devient la première femme élue à la présidence d’un législatif d’une commune suisse. Elle était la femme du docteur Marcel Greub et la mère de notre ancien collègue André Greub. L’Impartial de l’époque raconte ainsi la séance du Conseil général.

24 mai 1964 : Les élections communales, dans l’euphorie de l’exposition nationale de Lausanne et des années économiques glorieuses dans notre ville qui compte plus de 40’000 habitants, permettent l’arrivée de cinq femmes.

À noter que l’élue PPN Madeleine Jacot fait un moins bon résultat qu’en 1960. Elle était pressentie pour présider le Conseil général car elle avait nommée au bureau en 1960 ! Par contre, Madame Ferrier, la redoutée professeure de français-latin à l’école secondaire, termine en tête chez les libéraux, alors un petit parti.

19 mai 1968 : L’élection de 68 marque le pire résultat en pourcentage de la gauche qui atteint à peine 52 %. Effet repoussoir de Mai 68, comme lors des élections législatives françaises de juin, qui confortent de Gaulle ? Exit aussi les femmes puisqu’il n’en reste plus qu’une, Marcelle Corswant, l’épouse du conseiller communal André Corswant, décédé brutalement à Zermatt en 1964. Cette femme fut extraordinaire. Elle vécut presque cent ans, présida le Conseil général en 1973 et fut la première popiste élue au Grand Conseil en 1973. C’est la grand-maman de l’actuelle co-cheffe de l’office cantonale de la politique familiale et de l’égalité, notre chère amie Laurence Boegli.

Marcelle Corswant

7 février 1971 : La votation fédérale voit notre ville enfler ses pourcentages favorables avec 86 % de oui.

7 mai 1972 : Les élections communales renversent très légèrement seulement la tendance de 1968, sur la lancée du 7 février 1971. Les femmes terminent en général dans les derniers rangs partout, quel que soit leur parti. Honneur soit rendu à Mesdames Deneys, Renaud Hunziker, Cop et Corswant !

25 juin 1975 : Loyse Renaud Hunziker, pilier du parti socialiste de La Chaux-de-Fonds, devient la troisième femme élue présidente du Conseil général.

La période 1976-2020 serait un terreau fertile d’étude pour un mémoire de master : comment la représentation féminine s’est étoffée, comment elle a aidé la cause des femmes dans notre ville par des actions concrètes !

Aujourd’hui, le 3 février 2021, soixante et un ans après la première élection d’une femme au législatf, nous marquons un préoccupant, sinon rageant coup d’arrêt. Plus aucune femme à l’exécutif, quatorze élues seulement au parlement communal, soit 34 % qui pèsent peu face aux 70 % dans la ville de Berne. Trois présidents du Conseil général en 2020, 2021 et 2022 avant l’arrivée au perchoir en 2023 de la seule femme à l’avenir ouvert devant elle, la Verte Ilinka Guyot ! Et pas assez encore de cheffes de services dans une ville dominée par les mâles !

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