Séances du Conseil général

Trois beaux discours lors de la séance d’investiture des nouvelles autorités

Théo Huguenin-Élie, président de la Ville, Yves Strub, doyen du législatif, Karim Boukhris, président du Conseil général : trois personnalités lettrées et spirituelles qui ont gratifié le Conseil général et la public présents à la Maison du Peuple de beaux discours.

En cette période de crise sanitaire, quelle plus belle maison dans notre ville que celle du Peuple poour pallier à l’exiguïté de la salle de l’Hôtel de Ville ! C’est ce lieu symbolique de la cité que le Conseil communal avait choisi pour l’investiture des nouvelles autorités législatives.

Moment solennel qui a culminé lors de l’assermentation des membres du Conseil général et de leurs suppléant-e-s. Cette prestation de serment et la présence de suppléant-e-s sont deux nouveautés votées par le Conseil général en jiin 2019.

Le doyen-président provisoire de la séance, le PLR Yves Strub, a donc fait se lever toute la salle. « Vous engagez-vous à respecter la législation et les règlements en vigueur, à remplir fidèlement et consciencieusement les devoirs de votre charge et à vous montrer, en toute circonstance, digne de la confiance placée en vous ? » À l’appel de son nom, chaque membre ou membre suppléant·e du Conseil général a levé la main droite et a dit:« Je m’y engage ».

Tout à gauche le PLR Blaise Courvoisier lève la main et prononce son engagement

Ce moment solennel a été précéde d’un discours et suivi de deux autres. Nous avons eu la chance d’écouter trois hommes lettrés(aucune femme n’a pris la parole dans cette soirée) dont la force des discours a été appréciée.

Le premier a été le nouveau président de la Ville, représentant le Conseil communal ayant convoqué le nouveau Conseil général, Théo Huguenin-Élie (PS).

Il a commencé par une anecdote ancienne en forme d’histoire drolatique, inspirée de la fable de la Fontaine, Le Meunier, son fils et l’âne, Un marchand se rend avec sa fille dans la ville voisine avec son âne bâté. Il est apostrophé par une paysanne scandalisée par le poids que porte l’âne. Il met son enfant sur l’âne ce qui fâche le curé : c’est au vieux père de profiter de l’aide de l’animal. Il se met alors sur l’âne mais le maître d’école trouve honteux que l’enfant doive marcher. Ils vont donc les deux à pied et se font apostropher par les clients du café du Commerce qui les traitent d’imbéciles d’aller à pied.

Anecdote illustrant la difficulté de toute autorité politique à faire l’unanimité parmi ses citoyens. Ensuite, le président a fait un portait des défis qui sont devant la porte de notre cité : une humanité globalisée, un univers numérisé, une crise climatique induisant des tensions entre les négationnistes et les rationnels et ls populisme simplificateur. Dans ce monde en mutation, notre petite cité ressent les « malices des temps actuels« , malgré ses atouts : tissu industriel consistant, vie culturelle et associative intense, grands paysages dans l’espace natuel. Il faut parvenir à une forme de « sublimation« , pour rêver et transformer notre ville en évitant le « glacis du conservatisme« . Nous devons ensemble être capables de nous réinventer, dans notre commune « résiliente, créative et ouverte au monde« . Chacun-e est dépositaire de ces valeurs.

Ce fut ensuite au docteur Yves Strub, le doyen de l’assemblée, de présider la séance jusqu’à l’assermentation des élu–e-s et la constitution du bureau, sur proposition des partis. Celui-ci est prresque essentiellement masculin, à l’exception de Madame Guyot (Verts). Président : Karim Boukhris (POP); 1er vice-président :Alexandre Houlmann (PS); 2e vice-président Cédric Haldimann (PLR),; 1ère secrétaire Ilinka Guyot (Verts); 2e secrétaire Vincent Pittet (UDC); les deux scrutateurs sont Frédéric Vaucher (PLR) et Laurent Stehlin (Verts).

Une partie du bureau et le Conseil communal

Voici l’intégralité du discours qu’Yves Strub nous a aimablement envoyé hier soir après la séance. Merci à lui de ces paroles denses, réfléchissant notamment à la différence hommes/femmes.

 « Nous vous adressons une cordiale bienvenue, ainsi que le souhait d’une heureuse et constructive coexistence au bénéfice de la communauté. L’heure nous commande de prendre aimablement congé des personnes sortantes des pouvoirs exécutif et législatif, en les remerciant avec reconnaissance pour leur foi républicaine et leur engagement au service de la cité. Aussi, nous accueillons avec un grand plaisir et avec confiance nos nouveaux membres, porteurs d’espoir en l’avenir, tout en rappelant la fidélité exigée aux règles institutionnelles et démocratiques.

Plus actuel que jamais, Raymond Aron nous guide humblement, afin d’éviter les chausse-trappes multiformes des sociétés, qui semblent s’homogénéiser alors qu’elles offrent une complexité croissante, avec des différenciations toujours plus fortes, sources d’une paradoxale individualisation : en effet, la revendication égalitaire accompagne le développement industriel moderne, mais elle se heurte à la hiérarchisation des fonctions qui en découle, diluant la notion d’individu ou d’être. Citons Aron : « La réalité est toujours plus conservatrice que l’idéologie ». Hélas, la lucidité demeure une vertu peu séductrice, rappelant que le réel résiste à l’homme. Le réel n’est pas modifiable par la pensée : sans états d’âme et muet, le réel ne se conforme aucunement aux volontés humaines et oppose une fin de non-recevoir aux désirs d’altération ou d’interprétation. Son tissu est complexe et intriqué, perceptible après analyse, rectification et hésitation, liant les choses entre elles, développant des perspectives et traversé par le doute. L’unique moyen de changer le monde reste d’en accepter les règles. Enserrer la pensée définit l’idéologie, prompte à soumettre plutôt qu’à libérer. La vision objective se détache de tout dogme réducteur et de solutions faciles, en proposant l’autonomie de la politique par la culture de la lucidité. La vigilance commande donc une critique clairvoyante de toute remise en question des fondements de nos démocraties, soit du droit, de la liberté de conscience et d’expression, et du respect mutuel. Ceci dit, la paix n’est jamais assurée, car la violence fait partie de la politique, puisque celle-ci est inhérente aux relations humaines. La lucidité commande de rectifier ses idées, plutôt que d’adapter le réel à ses idées.                                                                                                                                                     

Qui veut voir, s’aperçoit que les crises sont quotidiennes et itératives. Sans scotomisation des défis renouvelés, sans angélisme et sans innocence, nous avons à définir notre foi dans le futur et l’espoir qui la porte. L’avenir existe toujours! Outre les appréhensions légitimes face à une page blanche, existent aussi les rêves et les projets. Dans la mêlée la plus violente s’ouvre toujours une porte vers une possible solution, donc une espérance, l’existence formant une histoire de la force et de la fragilité.                                                                                      

Votre serviteur pourrait développer les défis de la démocratie, cependant, ce fut fait en 2016. Bien qu’un peu hors-sujet, j’aimerais aborder une réflexion nous concernant toutes et tous et touchant aux rendez-vous politiques et à l’illustration des inégalités. Ou, si vous le permettez, l’opposition de la Science contre l’Histoire, de l’égalité contre l’inégalité, de la société multiple contre la société binaire.

En politique, à l’image du monde, la bipolarité du masculin et du féminin reste un modèle indécrottable bien qu’obsolète.

Le théâtre grec antique, avec le port du masque dramatique, efface déjà le rang, l’origine et le sexe de l’orateur et protagoniste. L’individu, un et indivisible, se doit d’être une personne avant de représenter un homme ou une femme : ses qualités premières résident dans son intelligence, son art et son talent. Non, dans ses gonades.

Pour évident que puisse être l’argument, dans tous les jeux et dans les joutes politiques, notre appréhension des personnes portées à notre considération reste empreinte de stéréotypes gravés dans le système limbique.

En préambule, afin d’être factuel (Anne Fausto-Sterling, 2012), la science en appelle à cesser de bi-catégoriser les phénomènes de sexuation ente le masculin et le féminin. Certes, une classification existe ; cependant, à observer l’ensemble des sexuations physiologiques, anatomiques et chromosomiques, l’on relève bien davantage que deux sexes : en regard de la multiplicité des combinaisons possibles, nous n’avons pas un continuum, avec deux pôles opposés, mais un « archipel des sexes ». Quant à lui, le cerveau varie fortement d’une personne à une autre, anatomiquement et fonctionnellement. Les différences au sein même du groupe des hommes et au sein du groupe des femmes sont telles qu’elles dépassent celles constatées entre les classiques groupes masculins et féminins. Ainsi, le devenir des neurones dépend autant du programme génétique que de l’environnement hormonal, nutritionnel et maladif, ainsi que des interactions psychiques familiales, sociales et culturelles, forgeant une plasticité remarquable qui se modèle selon les facteurs vécus. Les aptitudes spatiales et verbales exprimées ne sont pas innées à un sexe mais procèdent d’un apprentissage.

Ces données posées, advient l’argument de l’égalité : l’affirmation de la qualité égale entre les personnes est un beau principe acquis mais il vit des réalités moins glorieuses. L’enjeu réside dans l’acceptation psychologique de ce paramètre.

Dans le milieu politique, l’homme et la femme, la femme et l’homme, en dépit de subtiles camouflages, restent fortement reliés au modèle de la bi-catégorisation des sexes, insinuant une bipolarisation positive et négative, soit une discrimination illégitime et inégalitaire, sans objectivation. Hélas, nous n’en restons qu’au principe appliqué de la non-discrimination entre un Etat et des individus. Cette base nécessaire n’est pas suffisante. «  La construction de catégories de classe, de race et de sexes fondent l’épistémologie de la domination » (Danièle Kergoat, 2009).

Du quolibet à l’injure, la fluidité et la mouvance des « bons mots » représente une violence effective destinée à inscrire, historiquement et quotidiennement, dans le subconscient individuel et collectif, ensuite dans les actes et les comportements, une forme de puissante domination. L’injure même triviale, faite à une femme en politique, n’est pas une critique objective et nécessaire, mais une agression, pointe émergée du mal qu’on entend lui faire : «l’injure est un pivot, la plaque tournante des violences ordinaires ». Elle enjoint au mutisme. La misogynie en est le terreau fertile avec son système hiérarchisant des sexualités.

Après le constat, l’épreuve : il est donc impératif de dire »STOP ».

Le STOP envoie un message triple. Aux cibles directes, il indique qu’il n’y a aucune raison de subir. Aux auteurs, il rappelle que l’acte est inadmissible. Aux témoins, il enjoint d’agir selon ses moyens, sans pusillanimité.

Mais un simple stop reste insuffisant pédagogiquement si l’on n’ajoute : » STOP, TU LE SAIS BIEN ». Cette extension élimine l’aspect répressif et elle favorise la dynamique de contextualisation et de compréhension réciproque, avec une naturelle préparation des échanges en amont. Enfin, «  STOP, TU LE SAIS BIEN ET NOUS EN REPARLERONS » ouvre le champ de l’échange ultérieur et prolongé, en tissant des liens et EN réduisant le sentiment d’insécurité, source de toute violence.

Nous assurons ainsi la méthodologie, renouvelable à l’infini, d’une véritable égalité entre individus, entre personnes.

Revenons à l’avenir et à ses défis. Nos jeunes générations n’ont jamais vécues autant de perspectives innovantes et porteuses de libertés. Certes, les difficultés et les obstacles sont légion, comme par le passé. Songeons qu’en cinquante années, d’un centre économique et financier cantonal, notre ville s’est rétrécie, tant physiquement que psychologiquement. Glas ou carillons ? De grâce : appelons les trompettes pour chanter le dynamisme retrouvé, la volonté de vaincre, le désir de conquérir. La confiance éclairée et vibrionnante est gage de réussite humaine et sociale. Le courage d’affronter l’horizon représente le seul salut et la seule offrande pour notre jeunesse responsable, si elle reste convaincue du soutien des siens. Une société géronte ne peut se priver des aspirations de sa relève, dont le cœur et l’ambition, chevillés au corps, forment le moteur d’une confiance en un futur novateur et humain, et la seule véritable justification de la procréation. A évoquer quelque souvenir inspirant, nous pouvons retenir les fiers moments des entreprises communes interpartis, forts par leur unité. « 

Ce fut finalment au nouveau président du Conseil générsl, le popiste Karim Boukhris, de nous gratifier d’un discours empreint d’humour et d’engagement politique.

Nous sommes ici masqués sans pouvoir organiser une verrée, « avec moi comme président. paradoxe !  » Nous sommes une autorité qui assumera sa fonction avec honnêteté. Ancien du groupe Bélier, Karuim Boukhris se dit avoir été catalogué comme « terroriste ». Chacun-e de nous dans cette salle est en fait, malgré les étiquettes qui le cataloguent, bienvenu-e ici. Ici où nous ne sommes plus contribuables mais dépensons l’argent des autres. Ici oû nous passons de nombreuses soirées bénévolement. Ici où toutes et tous sont dévoués à la chose publique. « Nous avons des alliés et des adversaires mais pas des ennemis.« 

Karim Boukhris, avant la séance

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