Vivre en ville

L’esprit sain du Mycélium

En ce dimanche de Pentecôte, les Jardins du Mycélium ont commencé leur chantier participatif de permaculture sur le terrain du Paddock mis à leur disposition par la Ville. Un esprit sain anime les responsables et les réseaux novateurs mis en place.

Le lieu est mis par la Ville à disposition d’un collectif regroupant les associations des Jardins du Mycelium (JM), des Incroyables comestibles (IC), de la Tchaux verte (TV) et du quartier Paddock-Morgarten. (APM). Le chantier participatif de dimanche a permis de planter des pommes de terre, de préparer une haie et un jardin circulaire destiné à recevoir des cultures en rotation, le Mandala. Un petit étang est prévu à condition que les conditions de sécurité soient réunies.

Les habitants du quartier n’ont rien à craindre : l’espace vert devant eux vivra sans nuisances olfactives, sonores ou chimiques, dans le respect de la Terre et des gens. Ils seront invités à faire leur ce nouvel lieu participatif de notre ville. D’ailleurs le Paddock est actuellement occupé à l’ouest par la tente de l’association RêvOcirque, en réseau avec le Mycélium.

La belle équipe présente dimanche se composait de gauche à droite de Annie Seydoux (APM), Simon Renaud (JM), Florian Candelieri (TV), Manon Schwab (JM), Célestin Jobin (JM), Dieter Jenzer (IC) et Aline Jaquet Tissot (TV).

Le mycélium

Le concept du mycélium est biologique et désigne l’appareil végétatif des champignons ou de certaines bactéries filamenteuses. Généralement peu visible, il est composé d’un ensemble de filaments, plus ou moins ramifiés, appelés hyphes que l’on trouve dans le sol ou le substrat nutritif.

Le mycélium assure plusieurs grandes fonctions biologiques  dont trois essentielles pour comprendre les principes qui guident les initiateurs de ces nouveaux réseaux chaux-de-fonniers : défense- protection, nutrition-croissance et exploration.

  • la défense-protection : le mycélium participe à la bio-protection contre le développement d’agents pathogènes, à la stabilisation mécanique des sols à leur diversification microbienne ;
  • la nutrition-croissance, assurée par l’absorbotrophie : il absorbe les éléments carbonés nécessaires à la survie de ses cellules. Il joue aussi un rôle vital dans plusieurs écosystèmes en contribuant à augmenter l’efficacité de l’absorption de l’eau et des nutriments de nombreuses plantes ;
  • l’exploration : il augmente considérablement la surface de contact entre son réseau et son substrat nutritif.

La défense-protection, dans l’esprit sain de Célestin et de son équipe

Contre les agents pathogènes de la malbouffe, de la délocalisation et de la destruction de la Terre, contre le retour en arrière dans le temps pré-covid 19, dans l’esprit de Bruno Latour, il s’agit d’apprivoiser la métamorphose de nos conditions d’existence. Ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir des moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.

Célestin Jobin, le président des Jardins du Mycélium, est le porteur, avec ses camarades-apôtres de son comité (Andrea Valdeavellano, Manon Schwab, Noé Kopp, Lorin Aebi et Naima Benninger), et de toutes les autres associations, d’un projet diffusant la Bonne Parole de la libération de la Terre et des Terrestres. Nous sommes confinés dans un espace commun à préserver, à défendre, à protéger. Fini le temps cartésien où nous nous voyions maîtres et possesseurs de la nature. Maître, oui toujours, par notre maîtrise rationnelle ; possesseurs plus, mais protecteurs de Gaïa et de nous-mêmes.

« D’où l’importance capitale d’utiliser ce temps de confinement imposé pour décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaînes que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre. » (Bruno Latour)

La nutrition et la croissance, dans l’esprit sain des jardins citoyens

Il y a une année quand nous avons rencontré pour la première fois Célestin Jobin dans son magasin de la rue de la Paix, Alterrapy, il nous a habité d’une parole simple, forte et concrète : « Mon désir est de nourrir toute la ville ». En une vie d’engagement professionnel, associatif et politique (depuis 2001 dans ce cas), nous n’avions jamais entendu une formule pareillement imprégnée d’un tel idéal.

Idéal qui trouve depuis quelques semaines sa concrétisation sur le terrain du Paddock, près de la future gare de la Fiaz, des Anciens Abattoirs, des futures archives cantonales et communales. Ce jour de la Pentecôte 2021, Célestin porte bien son prénom !

« L’équipe des Jardins occupe un terrain de la Ville de la Chaux-de-Fonds. Sur ce terrain, elle souhaite cultiver la terre de manière respectueuse en incluant diverses populations (enfants, migrant.e.s, personnes âgées, chômeurs et chômeuses, etc) et ainsi répondre à des problématiques écologiques et sociales. Elle pense qu’assembler plusieurs niveaux d’activités peut permettre à ses multiples dimensions de s’alimenter et d’accroître l’impact du projet. L’association veut inciter une reconnexion à trois niveaux : à la terre, aux autres et à soi-même. Le jardin sera un lieu d’éducation, d’échanges multiculturels, de valorisation de la citoyenneté et de la biodiversité.

Les objectifs de l’association sont donc :

  • la protection des sols et biodiversité par la dynamisation d’un écosystème ;
  • la création de nouvelles collaboration et mobilisation de la société civile ;
  • l’appropriation de connaissances nécessaires sur un mode de vie sain ;
  • la valorisation de populations désinsérées ;
  • l’éducation et les questionnements généraux sur le vivre-ensemble.

L’association propose des permanences, des chantiers participatifs, des formations, des animations, des ateliers de transformations et met le lieu à disposition pour tout autre type d’événements.

Les Jardins du Mycélium sont ainsi à la fois une association et un groupe de travail du Réseau Mycélium. Comme écrit plus haut, sur le terrain du Paddock, ils constituent un collectif avec les Incroyables comestibles et la Tchaux verte

L’exploration, dans l’esprit sain du Réseau Mycélium

Explorer, dans l’esprit sain du réseau participatif, c’est construire des réseaux en lien avec le terreau, le substrat nutritif d’une ville : ses citoyens.

« Le Réseau Mycélium est un collectif chaux-de-fonnier créé en 2019 et qui a pour but de développer et renforcer les synergies entre diverses organisations, associations, projets, lieux et plus largement personnes dont la volonté est de valoriser et dynamiser la vie culturelle et sociale à La Chaux-de-Fonds et dans ses alentours. Expérimenter la force d’être ensemble, la collaboration et repenser le vivre-ensemble. L’hypothèse de départ du Réseau est qu’en multipliant les synergies et l’entraide entre les organisations, leurs impact serait amplifié et le travail des personnes impliquée serait facilité. La vie associative, sociale, voir économique de la région se verrait ainsi renforcée durablement. »

Ces quelques lignes résument magnifiquement un vrai projet, plus politique que certains idées politiques traditionnelles et convenues.

Le rhizome deleuzien

Les fonctions du mycélium nous rappellent le concept philosophique de rhizome développé par le grand philosophe du XXe siècle Gilles Deleuze dans les années 80. Il désigne une structure évoluant en permanence, dans toutes les directions horizontales, et dénuée de niveaux. Cette structure s’oppose à la hiérarchie en pyramide. Deleuze, dans Mille Plateaux, avait notamment dégagé trois principes de fonctionnement du rhizome, comme nous l’explique Wikipedia que nous synthétisons :

  • Le principe de connexion et d’hétérogénéité implique que le rhizome se forme par liaisons d’éléments hétérogènes sans qu’un ordre préalable assigne des places à chaque élément : « n’importe quel point d’un rhizome peut être connecté à un autre, et doit l’être ».
  • Le principe de multiplicité : la multiplicité est « […] l’organisation propre du multiple en tant que tel, qui n’a nullement besoin de l’unité pour former un système », c’est-à-dire que la multiplicité ne peut être artificiellement unifiée et totalisée par une forme surplombante. « La multiplicité est une forme de prolifération immanente et autonome ».
  • Le principe de rupture assignifiante » qui caractérise l’absence d’ordre, de hiérarchie entre les éléments et surtout l’absence positive d’articulations prédéfinies, contrairement aux arborescences ou systèmes organiques qui prévoient et localisent leurs faiblesses afin d’organiser les ruptures possibles : « un rhizome peut être rompu, brisé en un endroit quelconque ».

Ces trois principes rhizomiques et deleuziens nous semblent former le substrat idéologique et philosophique de toute notre belle équipe.

Leurs principes mycéliens nous parlent et nous touchent, loin d’un monde politique local qui aurait tendance à tourner en rond comme une souris dans un bocal. Aussi loin d’un monde économique dominant qui ne rêve encore que de croissance.

Ils nous font la promesse d’une santé (salud en espagnol) physique et mentale indispensable en ces semaines de sortie de semi-confinement.

Bref rappel politique : juin 2020 et mai 2021

Habité nous-même dans ce blog par la politique locale, nous rendrons à César ce qui appartient à César. Le parti socialiste, en juin 2020, fut le premier parti de la ville à interpeller le Conseil communal sur les Jardins du Mycélium lors de la séance des comptes 2019.

Le conseiller général Michael Othenin-Girard a questionné ce soir-là l’exécutif sur le soutien de la Ville apporté aux Jardins dans leur recherche d’un terrain.

« Le groupe socialiste considère que l’économie ne passe pas seulement par l’implantation de grandes entreprises, mais se doit aussi d’être diversifiée et vecteurs d’intégration. C’est donc avec enthousiasme que nous avons suivi de près le projet neuchâtelois « ECOPROX », lancé par le service cantonal de l’économie, dans le but de renforcer l’économie de proximité, de dynamiser les centres des villes, d’assurer l’accessibilité des produits et des services dans les localités, de promouvoir le réflexe local auprès de la population et des entreprises et de stimuler les partenariats et la collaboration entre les acteurs de l’économie de proximité.

Finalement ce sont treize projets qui ont été soutenus par le Canton à hauteur de 300’000 francs, dont quatre projets pour les Montagnes neuchâteloises pour une enveloppe de 80’000 francs. Parmi ces quatre projets soutenus par le Conseil d’État, nous avons rencontré l’association « Mycélium » qui a rapidement besoin d’un terrain et qui a déjà pris des contacts avec la Ville. À ce titre, le Conseil Communal peut-il nous indiquer quelle est sa position sur projet ? Est-ce qu’un terrain adéquat a pu être trouvé et quelles sont les prochaines étapes. »

Voici comment il a développé son interpellation :

« ECOPROX, le programme lancé par le Conseil d’État pour cofinancer plusieurs projets qui favorisent le commerce de proximité, a sélectionné quatre projets sur quatorze dans les Montagnes Neuchâteloises avec une enveloppe de 80’000 francs pour les soutenir. (…)

L’un des quatre projets retenus sonne à notre oreille avec le doux nom de « Jardins du Mycélium ». Le but de ce projet, comme nous pouvons le lire, est de pouvoir cultiver un terrain de manière respectueuse en incluant diverses populations (enfants, migrant, personnes âgées, chômeurs et chômeuses…) et ainsi répondre à des problématiques écologiques, sociales et économiques. Le projet, bien réfléchi et clairement expliqué dans leurs documents de présentation, est à taille humaine et s’inscrit dans une volonté d’inclusion des populations et de transition écologique.

Des thématiques chères au cœur du groupe socialiste qui est allé à leurs rencontres et fut impressionné par la pertinence de leurs réflexions et le sérieux de leurs démarches. Loin d’une jeunesse bruyante et « sculptant dans des nuages », comme certains aiment à le penser.

Nous avons appris lors de cette rencontre que des contacts avec la Ville avaient eu lieu. Considérant qu’il est important, voire nécessaire pour l’attractivité de notre ville, de soutenir et même de valoriser un projet – déjà soutenu par un Canton à qui notre parlement reproche le manque de projets dans les Montagnes neuchâteloises – c’est une occasion à ne pas laisser passer ! Mais c’est surtout une très belle opportunité pour la ville de La Chaux-de-Fonds de répondre présent et valoriser le travail d’une association dynamique et responsable, qui souhaite un commerce, tout aussi responsable, de proximité à l’aide d’un jardin écologique et social. (…) »

Dans sa réponse le conseiller communal Théo Huguenin-Elie a souligné que ce projet était « extraordinairement intéressant », porteur d’une vision d’avenir pour la nature et créant du lien social. Le Conseil communal a dit soutenir ce type de projet et est satisfait que l’État soutienne trois autres projets dans notre ville. Une première rencontre entre des chefs de service et le comité des « Jardins », pour chercher un terrain adéquat, n’a pas satisfait les promoteurs du projet. Le conseiller communal s’est engagé à faire recenser par tous ses services tous les terrains communaux susceptibles d’être proposés, après les vacances, aux « Jardins du Mycélium ».

Par la suite, dès le début de la nouvelle législature communale, suite à la résolution urgente de la Verte Aline Jaquet Tissot, un partenariat constructif et efficace s’est finalement mis en œuvre entre le Mycelium et les autorités, ce qui a permis aux jardins de germer sur le sol communal dès ce printemps grâce au magnifique travail des différents services de Théo Huguenin-Elie et Patrick Herrmann qui ont fait de leur mieux pour vaincre l’inertie habituelle du paquebot politique. 

Par cette résolution des groupes des Verts et PDC intitulée « Pour la création de nouveaux jardins potagers urbains respectant « La Charte des jardins », Aline Jaquet-Tissot pense qu’il est grand temps de permettre, à tout∙e citoyen∙ne ou groupe de citoyen∙ne∙s qui le souhaiteraient, d’accéder facilement à un coin de terre pour cultiver ses propres légumes, fruits et fleurs en respectant la Charte des jardins. Ce projet offre de nombreux bénéfices à moindres frais : il permet d’accéder à un auto-approvisionnement alimentaire, il est bénéfique pour la santé physique et mentale, il peut permettre d’apprendre à traiter ses légumes et fruits de manière naturelle sans l’usage de pesticide, ce qui permet de senourrir plus sainement, il contribue à l’environnement et la biodiversité, il permet de cultiver les échanges humains et la solidarité entre citoyens, communautés et générations, il augmente la beauté des espaces urbains et l’attractivité de notre ville auprès de nouveaux habitants potentiels.

Dans sa réponse lors du Conseil général du 6 mai 2021, le conseiller communal Théo Huguenin a confirmé ce que l’auteure de la résolution souhaitait, à savoir la mise à disposition de l’association Jardins du Mycélium, des Incroyables comestibles et de la Tchaux verte d’un terrain. La ville a donné 3000 francs pour le lancement de ces jardins communautaires mais il n’est pas question de soutenir régulièrement cette association. De plus la ville loue 150 jardins à un prix très bas, 100 à 200 francs par an. La résolution est acceptée par 40 voix sans opposition, avec un amendement PLR précisant que l’association concernée doit pouvoir fonctionner indépendamment de l’aide financière de la commune (« La gestion des jardins publics est assurée par une association spécifique, agréée, disposant d’une charte et réglementation, obligatoirement liée par une convention avec l’Autorité communale et par une convention limitée dans le temps et renouvelabl »).

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