Les deux dernières séances du Conseil général sont disponibles en rediffusion sur Youtube. L’élue verte Laura Lalive Todeschini s’inquiète des dérives possibles générées par la présence permanente de ces vidéos. Nous pouvons la comprendre mais être élu signifie aussi accepter que nous ne sommes plus maîtres de nos images !
Lors du dernier Conseil général, Madame Lalive Todeschini aurait carrément voulu interdire temporairement au Conseil communal de laisser la vidéo de la séance disponible au public. Elle a déposé une interpellation urgente questionnant le Conseil communal, à laquelle celui-ci donnera une réponse lors de la séance du 6 mai. Il était presque 23 heures et tout le monde voulait aller se coucher. L’élue verte a alors demandé à ce que, jusqu’au 6 mai, la diffusion de la séance du 23 mars soit suspendue sur Youtube. Le président Boukhris a bien fait de lui répondre que c’était impossible. Un seul parti ou une seule élue ne peut pas obliger à la va-vite l’exécutif à exaucer immédiatement ses souhaits, peut-être légitimes, sans en débattre avec les autres ! Dans ce sens, les Verts, maintenant majoritaires, doivent apprendre les règles subtiles du fonctionnement des institutions démocratiques.
Les élus politiques, ayant acquis le droit de siéger, doivent accepter les devoirs liés à la fonction. Dans un parlement, les télévisions locales et régionales sont autorisées à filmer des extraits de la séance pour leurs séquences d’actualité, sauf si la séance se tient à huis-clos, ce qui est rarissime. Les photographes de presse peuvent capetre les images des élus et les journalistes ou blogueurs citer certains de leurs propos en direct ou dans des articles paraissant en léger différé.
Si Canal Alpha veut vous interroger sur une de vos prises de parole, vous avez le droit de ne pas lui accorder l’entretien. Mais pas celui de lui interdire de diffuser ce qu’il a filmé de vous pendant la séance !
Finalement, sur le site de la Ville, sont gravées à jamais pour l’éternité toutes vos paroles puisque les procès-verbaux des séances sont rendus publics quelques mois après. Ainsi, dans l’épique débat sur la piétonnisation de la place du Marché, on retrouve un florilège d’interventions mémorables.
Blaise Fivaz (PDC) : En revanche, pour un montant d’une telle importance, il n’est pas concevable pour le PDC de donner un blanc-seing au Conseil communal, qui sollicite un crédit de CHF 4’982’000.- à l’aveugle. Oui, je le dis bien, à l’aveugle !
Andy Favre (UDC) : Ce projet doit se faire avec la population et les commerçants, sans quoi nous pouvons nous attendre au lancement de référendums.
François Perret (Verts) : Concernant les pavés, il est mentionné que c’est la solution la plus durable. Effectivement, en durée dans le temps, mais sait-on d’où ils proviennent ? Certainement d’Asie, comme c’est souvent le cas, d’Inde, de Chine, et souvent ces matériaux sont produits à l’autre bout du monde et en plus dans des conditions de travail qui ne sont pas très recommandables, ce qui est écologiquement et éthiquement pas tellement admissible.
Théo Huguenin-Elie (conseiller communal) : Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs du PLR et de l’UDC, j’aimerais vous dire que la gauche ne détient pas le monopole du progressisme urbain.
Pierre-Alain Borel (PS) : J’aimerais rappeler aussi quand même que, notamment sous l’impulsion de la droite de la Ville et du PLR, on n’arrive jamais à planter le moindre clou dans cette Ville car chaque fois on nous ressort la menace d’un référendum et finalement on n’avance pas.
Karim Boukhris (POP) : Il y a un passage du Rubicon parce que cette fois les dés sont jetés et puis nous pouvons peut-être demander à la population ce qu’elle en pense. Peut-être nous soutiendra-t-elle, peut-être pas, c’est à voir. Petite remarque : formidable, au sens premier, signifie « qui provoque l’effroi ».
Chistophe Ummel (PLR) : Je m’excuse vraiment de redemander la parole. Ce n’est pas dans mon habitude et je trouve ça assez désagréable mais j’aimerais bien qu’on s’écoute quand on se parle parce qu’on peut être d’avis différents, ce qui n’est pas tellement le cas ce soir, mais on peut quand même prendre la peine de s’écouter.
Nos « images de nous-mêmes » (puisque nous sommes « images ») sont filmées par la RTS ou Canal, parfois en gros plans, avec des montages, et accessibles de manière permanente. Nos paroles gravées dans le marbre des procès-verbaux. Nous n’échappons pas à nos paroles et nos images !
C’est dire que les questions de Madame Todeschini trouvent déjà une réponse partielle dans les paragraphes ci-dessus.

Elle s’inquiète des dérives liées à l’« utilisation malveillante d’extraits sortis de leur contexte ». Un mauvais plaisant ne pourra-t-il continuer de le faire avec des extraits de texte associés à une photo de l’élu ? La presse télévisuelle ne procède-t-elle pas de la même manière en extrayant des images pour ses mini-reportages ? N’est-ce pas la hantise d’un conseiller général de voir débarquer Canal Alpha ou la RTS qui vont peut-être déformer ses idées profondes dans les extraits imagés sélectionnés de ses discours ?
Elle se demande si c’est « juridiquement correct » et ce qu’il en est du « droit à l’image » et de la « protection de la personnalité ». Nous lui suggérons vivement d’écrire un courriel à notre ami Christian Flueckiger, préposé du Jura et de Neuchâtel à la protection des données et à la transparence. Il saura montrer la bonne direction à nos autorités avec ses boussoles ! Puisqu’il est question ici d’une question éthique nécessitant de naviguer juste.
Elle s’interroge finalement sur l’obligation pour un élu « d’être sur les réseaux sociaux » et s’il ne faut pas lui demander son autorisation pour accepte d’y figurer.
Madame Lalive Todeschini, dans sa crainte que son intimité visuelle lui échappe, oublie qu’elle ne lui appartient plus à partir du moment où les séances sont ouvertes à la presse audio-visuelle. Qu’elle sache cependant qu’un citoyen assistant aux séances n’a pas le droit de photographier ou de filmer sans l’autorisation préalable du bureau. Ainsi les cinéastes Robin Erard et Samuel Chalard avaient pu filmer de nombreuses heures le Conseil général mais un élu aurait pu exiger de ne pas apparaîte dans leur film Ville cherche héros. Je connais même une ancienne cheffe de service qui a refusé d’être filmée !
Que Madame Lalive Todeschini sache finalement que ses questions sont parfaitement légitimes et que, par un arrêté, le Conseil général, s’il le souhaite dans sa majorité, pourrait inscrire dans le règlement communal que les séances du Conseil général soient diffusées en direct mais pas disponibles en rediffusion !
Comme ancien élu, nous savons gré à Madame Laure Lalive Todeschini de partager ses préoccupations dans le souci d’en discuter avec ses collègues. Ce n’est pas tous les jours qu’on fait de l’éthique appliquée dans un parlement !
En conclusion, nous suggérons aux Verts d’amender la motion qu’ils ont co-signée plutôt que de simplement interpeller le Conseil qui répond comme il l’entend. : Le Conseil communal est prié d’étudier dans les meilleurs délais les moyens possibles de diffusion des séances du Conseil général en direct et en rediffusion, comme c’est par exemple le cas pour le Grand Conseil, non seulement durant la période de pandémie, mais aussi de manière pérenne.
Si la motion est ainsi amendée, l’exécutif devra étudier les implications juridiques du projet global en direct et en rediffusion, en lien avec la protection des données.
Au final, c’est le Conseil général qui devra se prononcer sur le rapport fourni par le Conseil communal. Il sera libre ou non de l’accepter. Entre temps, il ne nous paraît pas exagéré que l’expérience se poursuive, en diffusion et rediffusion.
La photo de Madame Laure Lalive Todeschini placée en exergue de cet article est disponilbe sur le site de la Ville de La Chaux-de-Fonds.
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